« Je déteste l’hiver car il y fait trop froid
Je déteste le printemps pour son maudit pollen
Je déteste l’été car il fait trop chaud
Je déteste l’automne car… »
Je m’arrêtai d’écrire et commençai à pleurer. Je ne savais pas pourquoi je pleurais. Cela doit faire maintenant des
siècles qu’à chaque fois que j’entends ou même que je pense à cette saison qu’est l’automne, je pleure. Le problème,
c’est que je ne sais toujours pas j’ai cette réaction étrange. Je me levai et m’assis sur le bord de la fenêtre en bois. Je
regarderai les feuilles multicolores tomber des arbres et venir se poser délicatement sur le sol. Lorsqu’il y avait un peu
de vent, on aurait qu’elles dansaient. Je trouvais cela magnifique. Mais mes larmes redoublèrent. Sans aucune raison,
comme toujours. Cela commençait à m’énerver de ne pas pouvoir répondre à cette question : pourquoi. Pourquoi étais-
je en train de pleurer ? Pourquoi ?! Je donnai un violent coup de pied à mon bureau et me dirigeai vers la cuisine. Trop
d’émotions me donnaient faim. J’ouvris le réfrigérateur mais il était vide. Cela me mit encore plus en rogne. Je mis mon
manteau et mes bottes et sortis pour aller à l’épicerie du coin. En passant devant un parc, je vis un jeune homme
endormi sur un banc. Je pleurai. Je ne savais pas pourquoi mais je pleurai. Soudain il se réveilla et me vit. Son visage
s’éclaira et il courut vers moi en criant d’une voix enjouée « Marie ! Marie ! » Comment connaissait-il mon nom ?
Lorsqu’il arriva près de moi, je lui demandai d’une voix presque glaciale « Qui es-tu ? » Sa joie retomba alors d’un coup
« C’est moi, Eric. Tu ne t’en souviens pas ? » Je secouai la tête pour dire non et la lueur d’espoir qui était apparue dans
ses yeux larmoyants disparut. Il retourna alors s’asseoir, le regard vide. Je continuai mon chemin encore bouleversée
par ce qui venait de se passer. J’avais l’impression de connaître ce garçon mais je ne me souvenais de rien le
concernant.D’ailleurs, je ne me souvenais de rien me concernant moi non plus. J’ai perdu la mémoire lors de mes 14
ans. Je ne sais ni comment, ni pourquoi. J’entrai dans l’épicerie et m’achetai un croissant. En sortant, il était là. Le
garçon de toute à l’heure. Il m’attendait. J’avalai ma salive et me dirigeai vers lui. Lorsqu’il me vit, il se força à sourire.
Mais je remarquai des larmes dans ses yeux. Cela me faisait de la peine de le voir ainsi. Mais pour une fois je ne pleurai
pas. A la place, je dis quelque chose de vraiment stupide « Je me souviens » La lueur d’espoir qui avait disparue un peu
plus tôt réapparut comme par enchantement. Il me proposa d’aller chez lui. J’hésitai. Ma raison me disait de m’éloigner
de cet inconnu, mais mon cœur me disait l’inverse. Je choisis d’écouter mon cœur et suivit le jeune homme. Sa maison
était assez grande. Il y avait des poèmes accrochés partout. J’essayai d’en lire un « Lentement tu tombais, Et moi,
impuissant, te regardais Disparaître dans les ténèbres… » Je n’eus pas fini qu’un mal de tête atroce me prit. Des flash
du passé défilaient devant mes yeux. Je me voyais, en train de tomber d’une falaise. En haut, Eric était en train de
pleurer, la main tendue. Quand je sentis mon crâne heurté le sol, la douleur était telle que je m’accroupis et mis mes
mains sur ma tête. Je pleurais, je suffoquais, j’étouffais. Je sentis soudain une douce chaleur dans mon dos et de grands
bras vinrent m’enlacer. Cette chaleur m’apaisait et ces bras me réconfortaient. Lorsque je me fus calmée, Eric vint se
placer devant moi. Avant même qu’il n’ouvrit la bouche, je hochai la tête en guise de réponse. Oui, je me souvenais à
présent. Pas forcément de tout, mais je me souvenais. Submergée par tous mes souvenirs, je pleurai en regardant Eric
dans les yeux. Je sentis ses lèvres se poser sur moi et m’abandonnai à ses baisers et ses caresses.
- Quelques années plus tard -
« Maman ! Qu’est-ce que tu fais ? » Je levai mon nez de ma feuille et regardai la petite fille brune. « J’écris un poème »
lui répondis-je. Ses yeux s’illuminèrent et elle me demanda de le lire. Je hochai la tête et commençai ma lecture.
« J’aime l’hiver parce que j’étais à côté
J’aime le printemps parce qu’on s’y est mariés
J’aime l’été parce qu’un enfant est né
Et j’aime l’automne parce que je t’y ai rencontré »
Un large sourire se dessina sur mon visage. « C’est très joli ». Ces mots me firent sursauter. Je me retournai et vit Eric
appuyé sur le mur. Je lui souris. Il me sourit. On regarda au même moment notre enfant, qui souriait sans vraiment
comprendre. On se regarda à nouveau et se mit à rire aux éclats. Pourquoi ? Cela n’avait plus aucune espèce
d’importance. J’étais heureuse et c’était tout ce qui comptait.